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Des festivals électro à la Philharmonie de Paris, en passant par le cinéma et la danse, Rone crée des ponts entre les mondes

© Cha Gonzalez

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Figure incontournable de la scène électronique française, Rone (de son vrai nom, Erwan Castex) se passerait presque d’introduction. Avec sept albums studio à son actif, une décoration comme Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres, et un César de la meilleure musique originale pour le film «La nuit venue» de Frédéric Farrucci, Rone a su conquérir le cœur de nombreux passionnés de musique électronique, en France et à l’international.

Le compositeur et producteur se fait connaitre en 2008 avec son EP Bora, sorti sur le label InFiné. On y découvre les prémices d’un univers électronique progressif, envoutant, et empreint de poésie –  notamment avec le morceau Bora Vocal, sur lequel son ami l’écrivain de science-fiction Alain Damasio y lit un extrait de son journal intime.

En 2009, son premier album Spanish Breakfast reçoit un très bel accueil du public et des medias. Rone commence alors à enchainer les scènes nationales et internationales, se produisant de Brest à Tokyo, et jusqu’àu Berghain à Berlin, considéré comme le panthéon de la musique électronique. C’est d’ailleurs à Berlin qu’il compose son second Album, Tohu Bohu, où l’on découvre ses titres mythiques Bye Bye Macadam et Parade, et qui lui vaut d’être qualifié «d’artiste de l’année 2012» par le magazine spécialisé Trax. S’ensuit Creatures (2015), Mirapolis (2017), Room with a View (2020), et Rone & Friends (2021).

En juin 2021, Rone présente L(oo)ping, un concert électro-classique accompagné de l’Orchestre national de Lyon, sous la direction du chef Dirk Brossé. L’album L(oo)ping, enregistré live, est sorti le 16 juin. A cette occasion, j’ai rencontré Rone pour lui parler de sa carrière, de ses derniers projets, et de ses inspirations musicales.

© Cha Gonzalez

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Bonjour Erwan, merci beaucoup de participer à cette interview.

Bonjour Louise, enchanté. Je t’en prie, merci à toi.

Félicitations pour ton nouveau projet ! L’album L(oo)ping, que tu as enregistré l’auditorium de Lyon, accompagné des 90 musiciens de l’Orchestre national de Lyon, et qui sort le 16 juin. J’ai vraiment hâte de le découvrir.

Merci c’est super gentil. Je le joue à la Philharmonie de Paris la semaine prochaine.

Pour commencer, j’aimerais revenir à un peu en arrière. Pour ceux qui ne seraient pas familiers avec ton travail. Tu as fait tes débuts en 2008 avec la sortie de l’Ep Bora Vocal, mais tu as d’abord fait des études de cinéma. Qu’est-ce qui t’a poussé à te lancer dans la musique ? 

En fait je faisais déjà de la musique depuis longtemps, mais je faisais ça juste par plaisir et par passion. Je n’avais aucune ambition là-dedans, enfin je n’avais pas du tout l’intention de devenir musicien. Je pense que j’étais un peu impressionné par ça. Pour moi c’était inatteignable. J’avais trop de respect pour les musiciens que j’aime. Et donc en fait, en sortant du bac… Je te raconte ma vie, hein ? 

Avec plaisir !

Donc en sortant du bac j’étais un peu paumé, comme beaucoup de lycéens, et je me demandais ce que j’allais faire de ma vie. J’ai vu qu’il y avait une fac de cinéma et je m’y suis inscrit un peu “en touriste”. Et donc j’ai fait quatre ans d’études de cinéma, c’était génial d’ailleurs, et à ce moment-là c’est vrai que je me voyais bien travailler dans le cinéma. Mais à côté de ça, je faisais beaucoup de musique tout seul dans ma chambre. La nuit, j’étais insomniaque donc je passais beaucoup de nuits blanches à faire du son. Et puis ce qui s’est passé, c’est que le label InFiné a entendu un de mes morceaux et a bien aimé. Ils m’ont demandés si j’avais d’autres choses à faire écouter, et j’avais une centaine de morceaux sur mon ordi. Donc on a fait le premier maxi, Bora, un petit disque de 4 titres. Puis, pour moi, c’était un peu fou. Enfin j’étais super content mais pour moi, c’était presque “une erreur”. Et je me disais, “J’ai eu beaucoup de chance, j’aurais fait ça dans ma vie, mais ça va s’arrêter là”. Mais en fait non. On m’a proposé de faire un concert, et je dirais que c’est vraiment là que ça commencé pour moi. C’était le premier concert que j’ai fait, et tout d’un coup je me retrouvais à jouer en face de gens, et j’avais jamais imaginé que ce soit possible un jour. Il s’est passé quelque chose de vraiment très fort en moi. Les gens ne me connaissaient pas, j’étais complètement inconnu, je faisais une première partie, et les gens ont été super cool. Je me souviens, je suis sorti de là en me disant “Mais putain, c’est ma place, c’est ça que je dois faire !”. Et ça a vraiment commencé ici. 

© Cha Gonzalez

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Comment décrirais-tu ton style musical, et quelles sont tes principales inspirations ?

J‘ai l’impression que mon style musical s’élargit un peu. Je fais de la musique électronique avant tout, parce que mes instruments sont des synthétiseurs, un ordinateur, des boîtes à rythme, des machines… Mais plus ça va et plus j’essaie d’autres choses, en collaborant notamment avec ce projet avec un orchestre symphonique. Mais même un peu avant, j’ai fait pas mal de collaborations avec des chanteuses, des chanteurs, des musiciens. Et du coup, j’ai plus l’impression de faire de la musique tout court. J‘ai beaucoup de mal à te donner un genre. D’ailleurs je fais beaucoup de musiques de film en ce moment. Et à côté de ça je fais des musiques pour mon nouvel album. Ce sont des démarches assez différentes, parce que d’un côté je travaille au service d’un réalisateur, d’un projet collectif, et je suis plus un artisan; et quand je suis sur un projet personnel, c’est très différent, j’ai une liberté totale, qui presque vertigineuse. Mais du coup je suis tout seul. Je dois trouver tout seul quoi dire, quoi faire. Désolé je m’éloigne un peu de la question. Mais pour mon style, je dirais musique électronique qui essaie de s’aventurer sur d’autres territoires, et de faire des rencontres musicales avec des gens très différents. Ce qui m’intéresse le plus c’est de travailler avec des gens en apparence très éloignés de moi, qui font des choses très différentes. Je serais moins excité à l’idée de travailler avec un confrère électro par exemple.

La collaboration est vraiment au cœur de ton travail, puisque tu t’associes volontiers à d’autres musiciens, mais également à des artistes visuels, réalisateurs, danseurs ou chorégraphes. Et ceux depuis tes débuts avec le morceau Bora Vocal, sur lequel l’écrivain Alain Damasio pose sa voix et jusque dans ton dernier album Rone & friends. Avec quels artistes rêverais-tu de collaborer ?

C’est dur de choisir, il y en a beaucoup. Je réfléchis qui me vient en tête, là tout de suite… En fait ça va dans tous les sens. Il y a des réalisateurs avec qui j’aimerais beaucoup travailler, comme Michel Gondry. Je parle souvent de lui, mais il m’a déjà fait une pochette de disque. C’était déjà un petit fantasme que j’ai réalisé parce que j’avais très envie de le rencontrer, et il a accepté de faire la pochette de Mirapolis. Mais voilà, j’aimerais bien aller un peu plus loin, et qu’on travaille encore ensemble, mais pour un projet de film, quelque chose comme ça. Donc là je pensais à lui spontanément, mais j’ai déjà fait déjà pas mal de collaborations et j’ai très envie de retravailler avec les gens avec qui j’ai déjà travaillé. J’ai déjà envie de retravailler avec (LA) HORDE, avec qui j’ai maintenant l’impression de former un collectif, une famille. Mais pareil avec les réalisateurs avec qui j’ai bossé, j’aimerais les revoir. Et en musique, j’aime bien l’idée de travailler avec des voix. Inviter des gens à poser leurs voix sur ma musique. Je trouve ça super intéressant. 

Tu as notamment collaboré avec des réalisateurs ; et tu as reçu le César de la meilleure musique originale pour le film «La nuit venue» de Frédéric Farrucci. As-tu une musique de film préférée, ou un film dont la bande-son t’inspire particulièrement ?

Il y en a plein, mais  il y en a un quand même qui est une référence absolue pour moi, c’est Ascenseur pour l’échafaud dont la BO été faite par Miles Davis. C’est drôle parce que c’est une bande originale un peu atypique. C’est pas une grosse musique de film Hollywoodienne, c’est une trompette avec un petit quatuor de jazz. La BO est sublime,  je l’écoute depuis très longtemps et je m’en lasse pas. Et j’aime beaucoup l’histoire. Elle a été composée en une nuit où Miles Davis a improvisé devant le film. Le réalisateur Louis Malle lui a projeté le film dans une petite salle, Jeanne Moreau faisait des cocktails, ils ont picolé un peu, et il a improvisé cette musique qui est sublime. J’aime beaucoup cette histoire, parce qu’il y a quelque chose de très instinctif dans la manière de travailler sur l’image, et ça me parle. Quand je travaille sur l’image je me laisse vraiment aller, et c’est l’image qui me fait faire la musique, qui me dirige. C’est un truc que j’aime beaucoup. 

© Cha Gonzalez

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Autre que le cinéma, tu t’es également tourné vers le monde de la danse. Tu as été invité par Ruth Mackenzie pour présenter un projet original au Théâtre du Châtelet, et c’est ainsi qu’est né Room With A View. Qu’est-ce qui t’as poussé à te lancez dans ce projet de ballet ? Et comment s’est organisée cette collaboration avec (LA) HORDE et le Ballet National de Marseille ?

Effectivement au début c’est une carte blanche que m’a proposée Ruth Mackenzie, qui était à l’époque la directrice du théâtre du Châtelet. Le théâtre du Châtelet venait de rouvrir après un long moment de chantier. Ruth Mackenzie est un personnage génial !  Elle voulait une programmation originale, et elle m’a fait confiance. Elle m’a proposé de créer un spectacle, et c’était carte blanche totale. Elle m’a dit ” Qu’est-ce que tu veux faire ? Avec qui ? Comment ?”. Et quand j’ai visité le théâtre, j’ai vu cette énorme scène, j’ai tout de suite pensé à la danse. Je me suis dit qu’il y avait un truc que je voulais faire et c’était peut-être le moment idéal, c’était de travailler avec des danseurs. J’étais déjà en contact avec (LA) HORDE, donc je leur ai proposé, et ils étaient super chauds. On s’est enfermés pendant un mois sur l’écriture de ce spectacle, puis on a travaillé ensemble avec les danseurs. J’ai adoré cette expérience-là. 

Je l’ai vu, c’était magnifique.

Ah, tu l’as vu ? Trop bien.

Le ballet traite de thèmes difficiles, comme l’effondrement écologique et l’urgence climatique. Ressens-tu une responsabilité de parler de ces sujets en tant qu’artiste ?

Eh bien en fait, oui. Quand j‘ai écrit ce spectacle avec (LA) HORDE je dois dire que c’était un peu nouveau pour moi. Parce que jusqu’à ce moment-là, je me contentais de faire des concerts instrumentaux. Je fais vraiment de la musique instrumentale, c’est à dire qui ne porte pas vraiment de message. C’est plutôt abstrait, poétique, ça fait danser, sourire, éventuellement pleurer… Mais c’était plutôt basé sur des émotions. A un moment donné, je me suis questionné, il y a une espèce de prise de conscience, sur l’écologie déjà, où je me disais, “Qu’est-ce que je peux faire ? Comment moi je peux parler de ces thèmes là ?”.  C’était un processus un peu compliqué pour moi parce que je ne savais pas comment me positionner. C’est hyper délicat de faire un spectacle qui parle de ces sujets-là sans être moralisateur, ou sans être ridicule. Et c’est là que c’était intéressant de travailler avec (LA) HORDE. L‘idée c’était effectivement d’évoquer ces thématiques sans balancer un discours facile; et le fait de traiter ces sujets à travers la musique et des corps en mouvement, sans qu’un seul mot ne soit prononcé, je trouve que c’était une approche intéressante. Du coup on n’apporte pas vraiment de réponse, mais il y a une manière de questionner ces sujets qui je pense touche les gens, parce que ça touche à l’affecte, il y a de l’émotion. Je dois dire que c’est encore Alain Damasio qui m’a un peu réveillé là-dessus. Avant que je commence à écrire ce spectacle, je me souviens qu’il disait que les artistes avaient la capacité, et peut-être même la responsabilité de…Il y avait cette phrase, “changer les mythes, inventer de nouveaux récits, inventer de nouveaux héros auxquels les gens peuvent s’identifier, créer de nouveaux horizons de désir”. Tout ça paraissait un peu abstrait, mais j’ai quand-même pris ça comme un appel à faire quelque chose dans ce sens. 

Néanmoins tu ne sembles pas défaitiste, et ton morceau Esperanza laisse entrevoir la possibilité d’un avenir meilleur.

Oui, c’est un autre truc qui me tenait à cœur. Quand on a commencé à écrire sur l’effondrement, enfin, c’est quand même des thématiques très dures, à un moment je me suis posé la question, “Comment est-ce qu’on veut que les gens sortent de cette salle ? Est-ce qu’on va les écraser encore plus qu’ils le sont ?”. Tout le monde a les infos, on sait qu’on est dans une situation compliquée. Ce que je trouve beau, ou plutôt, ce que je trouve intéressant, c’est d’essayer d’encourager. D’essayer d’insuffler une espèce de niak, qui fait qu’on sort du spectacle avec une énergie combative, positive. Et aussi ce qui m’intéressait encore une fois dans la danse et le collectif, c’était de mettre en avant le fait qu’on s’en sortira collectivement, ensemble. Et ça évidemment je n’aurais pas pu le faire tout seul sur scène avec mes machines. J’avais envie qu’il y ait des corps, des interactions avec les danseurs. Pour moi, c’est le message le plus important. 

© Cha Gonzalez

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Ce besoin d’union et de convergence des luttes que l’on ressent dans Room With A View n’est pas sans rappeler la force fédératrice d’un orchestre. Avec L(oo)ping, tu construits des ponts entre la musique électronique et le monde de l’orchestre. Comment s’est construit le projet ?

C‘est vrai que c’est un projet très différent mais j’y vois quand même beaucoup de lien avec le projet avec les danseurs, notamment dans la dimension collective. Au départ, encore une fois c’est venu d’une proposition. On m’a proposé de faire quelque chose avec un orchestre symphonique, et ça m’a un peu déstabilisé au début parce que moi je suis plutôt musicien autodidacte, je sais à peine lire une partition. Enfin, je suis un peu étranger à cet univers là. Je suis très sensible à la musique classique, mais j’ai une approche très naïve, donc c’était un peu impressionnant. Mais j’aime bien ce genre de projet impressionnant, donc je me suis lancé. Je me suis bien entouré, parce que j’ai travaillé avec un super arrangeur qui s’appelle Romain Allander, qui m’a justement aidé à faire le lien entre ma musique et l’orchestre symphonique. C’est lui qui a écrit les partitions pour tous les musiciens. On a travaillé d’abord tous les deux longtemps sur l’adaptation des morceaux pour l’orchestre symphonique. On a travaillé de notre côté, et finalement la rencontre avec l’orchestre s’est faite au tout dernier moment, cinq jours avant le premier concert, avant l’enregistrement du disque. Et là, je dois dire que j’ai eu un gros coup de flip. Je suis arrivé devant l’orchestre avec tous mes doutes, “Dans quoi je me suis embarqué ?”. Parce qu’en plus, tu sais, tant que tu n’as pas un vraiment essayé avec l’orchestre, tu ne sais pas trop où tu vas. Je me suis retrouvé devant cet orchestre hyper intimidé. J’ai dû un peu me présenter, comme ça, enfin, il  y a eu un petit moment de flip où j’ai eu l’impression qu’on me regardait comme un extraterrestre, en se demandant un peu ce qu’on allait faire ensemble. Et c’est ça que je trouve très beau et encore une fois presque politique, un peu comme la démarche avec (LA) HORDE, c’est que finalement j’ai l’impression qu’on a réussi, comme deux étrangers qui viennent de planètes différentes et qui arrivent à créer quelque chose ensemble. Au départ j’avais vraiment des doutes, puis petit à petit on travaille ensemble, on créer ensemble, c’est cette dimension collective qui est super forte. Plus ça va et plus j’ai envie de travailler avec des gens collectivement, parce que ce sont les expériences les plus intéressantes. 

Tu dis être inspiré par la musique classique, est-ce qu’il y a un compositeur ou une compositrice classique qui t’inspire particulièrement aujourd’hui ?

Oui, j’aime beaucoup ! Il y en a plein, plein, mais je vais sortir quand même des gros classiques. La vérité, c’est que j’étais très sensible à l’adolescence, et même un peu avant quand j’étais enfant, au piano solo. C’est vraiment Chopin qui m’a touché quand j’étais enfant, ou Erik Satie. Ou Debussy un peu plus tard. Il se passait quelque chose quand j’écoutais ces pianistes, ou des œuvres de piano solo comme ça. Ca me faisait voyager intérieurement. Il y avait un truc très rassurant, parce que j’étais un peu angoissé quand j’étais petit, et j‘avais l’impression que, je ne sais pas, ça me réconciliait avec l’humanité, avec la vie, je me sentais bien. Donc à la base, c’était le piano. Et puis après il y a plein de choses que j’ai écoutées, et là, c’est un monde qui s’ouvre. Ce que j’aime dans la musique classique, c’est que c’est tellement riche et varié. Il y a tellement de choses différentes. C’est un territoire tellement vaste que je suis loin d’avoir fini d’explorer. Sinon, un peu plus tard, je découvrais Benjamin Britten. C’est un compositeur anglais que j’aime et qui me touche beaucoup aussi. Ma première expérience avec la musique classique, c’est que j’avais fait un concert avec la maîtrise de Radio France, c’est à dire un cœur de jeunes filles qui chantaient sur ma musique, et ça, c’était très fort. Et voilà, il y en a plein, plein, plein. Plus récemment, ça va jusqu’à Philip Glass, qui est carrément une influence assez directe dans ma musique, parce que sa musique répétitive m’influence énormément. 

© Kevin Buy

© Kevin Buy

Je trouve que ce sentiment de réconfort que tu dis avoir trouvé dans les solos de piano se retrouve également dans ta musique.

Oh, c’est gentil. 

C’est l’aspect poétique, par moment très aérien. Je pense notamment à des morceaux dans Mirapolis comme I, Philip ou Zapoï. Ca me fait penser à des invitations au voyage. As-tu une ou plusieurs musiques qui t’accompagnent lors de ces longs voyages que tu fais à travers le monde ?  

Oui, évidemment ! Je prends moins l’avion maintenant, mais je prends beaucoup le train et c’est des moments que j’adore. C’est marrant parce que j’habite en Bretagne, et tout le monde me dit “C’est pas compliqué pour les concerts et tout ?”, alors qu’en fait j’adore ça. Je prends beaucoup de trains mais c’est les moments où j’écoute le mieux la musique. Je vois le paysage défiler, ça va très bien ensemble. Quand je suis chez moi j’écoute très peu de musique. C’est assez bizarre, enfin non, c’est parce que je fais beaucoup de musique, et que quand j’arrête je suis épuisé et j’ai juste envie de silence. Donc il faut que je sois en mouvement pour écouter de la musique, et c’est souvent dans le train, sur les tournées, dans les déplacements. J’écoute souvent de la musique plutôt contemplative. Je suis assez sensible aux musiques qui font voyager, aussi bien dans l’espace que intérieurement. Vraiment quelque chose de l’ordre de l’introspection. C’est presque même de la méditation parfois. C’est des moments où tout d’un coup t’as une autre temporalité. Tu vois, le temps passe beaucoup plus vite, ou au contraire il ralenti, et c’est presque de la méditation je crois. Moi je suis incapable de méditer. On a déjà essayé de me faire méditer, j’y arrive pas, je cogite tout de suite. Mais je crois que les moments où je médite, c’est dans un bon morceau de musique. 

Moi aussi (rires). Lors du concert, tu présentes des titres connus de ta discographie, ainsi qu’un titre inédit, qui sera le thème de la série de Xavier Giannoli pour Canal+. Peux-tu m’en dire plus sur ce projet ?

Alors là je suis en plein dedans, c’est un projet complètement fou parce que c’est la première fois que je fais une musique de série. En fait c’est 12 épisodes d’une heure, donc c’est presque comme faire la musique douze films enchaînés. Xavier présente la série comme ça aussi, il dit “Non non, ce n’est pas une série, c’est un film en 12 parties”. C’est un projet très ambitieux, très beau. Et moi, j’adore. J’avoue que là c’est un peu épuisant parce qu’il y a beaucoup de musiques à composer, mais c’est génial. C’est ce que j’ai déjà ressenti sur les autres projets de films sur lesquels j’ai travaillé.  Tout à coup, ça te révèle quelque chose. C’est assez bizarre, on peut avoir tendance à penser que quand on fait la musique d’un film, on perd un peu notre liberté… Comme je disais tout à l’heure quand je fais un album, je suis complètement libre et je fais ce que je veux. Là il y a un cadre, il faut quand même respecter le propos du film, évidemment, mais en fait ça permet aussi de révéler des choses auquel je n’aurais pas pensé tout seul. Il y a une image, une scène, qui te fait sortir des choses. Ça, c’est hyper intéressant pour moi. Parfois j’ai l’impression que je compose mes musiques les plus intimes sur un projet de film. C’est paradoxal. Et là Tikkoun par exemple, que j’ai décidé de mettre un peu au dernier moment dans le concert et sur le disque, c’est vraiment la musique que j’étais en train de composer pour la série. J’avais envie de la faire jouer par un orchestre, parce que c’est une musique que j’ai composé chez moi, tout seul avec mes machines. J’avais envie qu’elle prenne de l’ampleur avec un orchestre, c’était l’occasion parfaite. 

© Cha Gonzalez

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Tu touches à tout et sembles toujours avoir un nouveau projet fascinant en cours. Après la danse, les arts vidéos et visuels, le cinéma, et maintenant la télévision, y-a-t-il un nouveau domaine que tu voudrais aborder ?

Je me laisse un peu porter. J’ai beaucoup de chance, parce que c’est souvent les projets qui viennent à moi. Je reçois beaucoup de propositions, et c’est même un peu frustrant parce qu’il en a presque trop parfois, et je ne peux pas tout faire donc je suis obligé de refuser des trucs qui ont l’air super. Tout d’un coup il y a un projet qui tombe, qui m’emmène sur une nouvelle aventure.  Par exemple ce projet avec les danseurs c’était complètement nouveau pour moi. J’en avais envie, pour le coup c’est moi qui ai proposé à (LA) HORDE, mais je n’avais jamais travaillé avec des danseurs. J’ai rencontré un monde qui me fascinait. Je ne comprenais pas tout, et c’est ça qui me plait, c‘est d’aller sur des territoires qui me sont un peu inconnus, que je ne comprends pas, que je ne maîtrise pas, parce que j’ai l’impression que c’est là que j’apprends le plus, et c’est ce qui me passionne. 

© Cha Gonzalez

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Suite à tous ces projets, Rone a prévu de “s’enfermer un moment pour faire un nouvel album”. En attendant, son dernier album L(oo)ping est disponible depuis le 16 juin.

Propos recueillis par Louise des Places

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